Mark Rothko ~ Une toile recouvre un néant d’être – Partie 2/2

Rothko-Mural

IV. Un tableau contient une part de son être
Le problème de l’exposition des toiles
— Le spectateur, l’individu
— Fra Angelico et la communauté
V. Le succès
1957, The Four Seasons et la colère
1961, Rétrospective au MoMA
1960, De la Janis Gallery à la Marlborough Gallery
1965, The Houston Chapel
VI. 25 février 1970, le suicide

[LIRE ICI LA PREMIÈRE PARTIE DU TEXTE]

IV.    Un tableau contient une part de son être

Car, cette surface vibrante qu’il pose à la surface de la toile, vit de ce qu’elle contient une part de son être : « Je voulais me reconnaître dans mon œuvre.  Quand je me reconnais dans mon œuvre, alors je réalise qu’elle est terminée. »[i]

De nombreux témoignages de ses amis vont dans ce sens.  Stanley Kunitz pose un pas de plus qui  souligne une touche mélancolique de Rothko : « Je pense qu’il y avait un grand vide au centre de son être. »[ii] Motherwell souligne ce manque également et sa consolation par l’image : « Il était indifférent aux objets, au confort. Il était cependant physiquement agité, comme s’il était agité par quelque manque (lack). Sa grande source de consolation, c’était ses peintures qui maintenant créaient une image de lui-même en laquelle il pouvait se reconnaître. »[iii] Pour Morrow, c’est plus clair encore, une toile de Rothko, c’est un morceau de peau : « Ses peintures étaient sa propre peau pendue au mur. C’était des morceaux de vie qui ne pouvaient être comme ça, simplement échangés ou simplement oubliés. »[iv]

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Mark Rothko ~ Une toile recouvre un néant d’être – Partie 1/2

Henry Elkman, Rothko dans son studio de la 53e Avenue à New York
Henry Elkman, Rothko dans son studio de la 53e Avenue à New York

I. Être à partir de rien
II. Un nouvel aspect du mythe archaïque
III. L’échelle des sentiments humains

I.       Être à partir de rien

 

Mark Rothko, Markus Rothkovitch, nait en Russie, en 1903, dans une famille juive sécularisée[i]. Son oncle d’abord, son père ensuite quitteront le pays pour vivre aux Etats-Unis. Quelques mois plus tard, le reste de la famille les rejoindra à Portland. Mais six mois après leur arrivée, son père meurt. Markus a neuf ans, et vivra son enfance dans une relative pauvreté.

Bon étudiant, il aurait pu se lancer dans des études d’avocat ou d’ingénieur. Il aurait pu devenir acteur de théâtre. Il aurait pu être musicien. Il ne choisira aucune de ces options.

En 1923, il prend sa décision : « Un jour, j’entre dans une classe d’art, pour rejoindre un ami qui suivait ces cours. Tous les étudiants dessinaient des esquisses d’un modèle nu, et right away, aussitôt, je décidai que c’était cela que je voulais faireand decided that was the life for me. »[ii] Il se sent en accord avec les « valeurs sensuelles et émotionnelles de l’art plus qu’avec les valeurs sans âme, soulless, de l’existence matérielle d’un avocat ou d’un ingénieur ».[iii].

L’art devient alors pour lui une « vocation sacrée »[iv] et pendant toutes ces années, il s’impose une discipline de pauvreté, de faim et de solitude :

Je devais devenir un grand peintre parce que j’avais trouvé une façon de vivre pendant trois jours avec une boîte de sardines, une miche de pain et une bouteille de lait que j’avais volée sur le palier d’un voisin.[v]

Épinglons ça. Devenir artiste, être peintre, vivre avec peu, vivre avec rien. Être à partir de rien.

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