Paul B. Preciado, Un appartement sur Uranus.

Un appartement sur Uranus, livre de Paul B. Preciado : une femme, Beatriz, change de sexe, et devient transgenre-homme, Paul B. 

unappartementsururanusSon livre décrit sa trajectoire, sa décision de changer de sexe. Il prend de la testostérone, écoute cette étrange vibration masculine des cordes vocales, raconte ses voyages, ses passages de frontières, son refus de se fixer plus à un endroit, sa volonté d’ébranler le système patriarcal, catholique, nationaliste, son refus de tout système binaire, homme / femme, hétérosexuel / homosexuel, catholique / autres religions, blanc / noir, c’est-à-dire un terme, positif, qui a toujours été valorisé par rapport à un autre terme, dès lors négatif.

Sa radicale contestation n’est pas théorique ou livresque : Paul B. la pose en acte, recourt à la biochimie pour changer de genre, et exige que l’administration espagnole lui crée un nouvel acte de naissance qui lui donne ainsi un nouveau statut civil. Par là, il ébranle l’armature symbolique de l’État.

Tout le système politique, religieux, juridique, catholique, occidental, patricentré, n’est pour lui qu’une fiction, qu’un scénario, que l’on peut réécrire et transformer à sa guise. Mais son acte ne s’arrête pas aux scénarios symboliques : il veut aussi toucher à ce qu’on pourrait appeler le « réel de la nature », et compte se faire développer grâce aux cellules souches et à une imprimante 3D, de nouveaux organes, notamment un pénis, et intensifier ses affects.

Ce mouvement LGBT Q, pose des questions fondamentales sur la bipartition millénaire dans le droit civil : il y a les personnes et il y a les choses. Et quant aux personnes, il y a  les hommes et il y a les femmes. Or Paul B. Preciado conteste les fondements mêmes de ce droit civil.

Bref, passionnant.

Questions :

Ne pourrait-on pas davantage interroger les distinctions entre les « qualités » (homme / femme, blanc / noir, aristocrate / bourgeois, prolétaire, catholique / protestant / juif / musulman, jeune / vieux, beau / laid, Belge / Français, Européen / non Européen, etc, etc.) et la réduction de chaque « un » distinct à une pure quantité.

Car en effet, une fois qu’on a rogné toutes les qualités « sensibles », « sensées », qui faisaient la différence de chacun, par quoi on pouvait les désigner, les identifier, les représenter dans le discours, il ne reste plus que la différence pure : un « quantum », une quantité différentielle. Chaque Un est différent de l’autre Un. C’est tout : une différence comptable.

La politique, depuis qu’elle s’appuie sur les statistiques, ne demande pas mieux que de prendre appui rien que sur des « quantités ».

Du coup, on peut se demander si l’abolition des caractéristiques (par exemple, sexuelles) est vraiment un « acte » révolutionnaire, ou bien si au contraire cet acte de réduction de toute qualité à une pure quantité correspond aux nouvelles formes de management politique contemporain ?

Je pense que cette réduction à un Un comptable, pur quantum, ne contrevient pas à la nouvelle forme contemporaine de gestion politique des populations.

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